Mali : Libérez d'urgence et sans condition le professeur Étienne Aakaba Sissoko. Lettre ouverte.
Lettre ouverte au ministre malien de la justice et des droits de l'homme, garde des sceaux
Cher Monsieur Mahamadou Kassogué,
Nous, soussignés, Centres de PEN International en Afrique, demandons instamment aux autorités maliennes d'annuler de toute urgence et sans condition la condamnation de l'auteur, économiste, universitaire et militant non violent malien, le professeur Étienne Akaba Sissoko, d'abandonner toutes les charges retenues contre lui et de le libérer de prison.
Nous avons examiné les informations liées à l'arrestation du professeur Étienne Akaba Sissoko à son domicile de Bamako et à sa détention le 25 mars 2024 par la Brigade d'enquête judiciaire. Le 27 mars, il a été inculpé pour « atteinte à la réputation de l'État », « diffamation » et « diffusion de fausses nouvelles troublant l'ordre public » en relation avec son livre Propagande, agitation, harcèlement : la communication gouvernementale pendant la transition au Mali, publié en 2023. Le livre dénonce la propagande présumée dans la campagne d'information publique du gouvernement malien.
Sissoko a ensuite été jugé et condamné le 20 mai à deux ans de prison, dont un an avec sursis, et à une amende de 3 millions de francs CFA (environ 4800 USD) pour « dommages » causés à l'État. Nous notons avec inquiétude que, bien que la Cour d'appel de Bamako ait autorisé sa mise en liberté provisoire le 14 octobre, en attendant l'audition et la détermination de l'appel qu'il a interjeté pour contester sa condamnation, Sissoko a été arrêté à nouveau dans l'enceinte de la Cour et renvoyé à la prison de Kéniéroba sur la base d'une requête du procureur général s'opposant à sa demande de mise en liberté. Nous sommes profondément attristés par le fait qu'après des retards dans son procès en appel, la Cour d'appel de Bamako a confirmé la sentence le lundi 15 décembre.
Nous écrivons pour protester contre l'arrestation, la poursuite et l'emprisonnement du professeur Sissoko simplement parce qu'il a effectué des recherches et publié un livre critique à l'égard de l'administration militaire du Mali. L'arrestation et la détention d'individus pour les punir d'avoir exercé pacifiquement leurs droits humains, y compris le droit à la liberté d'expression, est arbitraire et viole la constitution du Mali ainsi que la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples (CADHP) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), deux instruments auxquels le Mali est partie.
Nous réitérons la détermination du Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire selon laquelle les personnes détenues uniquement pour avoir exercé pacifiquement leurs droits humains doivent être immédiatement libérées. Nous demandons instamment à votre bureau d'agir de toute urgence pour que les autorités maliennes annulent immédiatement et sans condition la condamnation du professeur Étienne Fakaba Sissoko, le libèrent et garantissent la pleine protection de sa liberté.
Sissoko est détenu depuis neuf mois pour n'avoir commis aucun crime. Il n'aurait jamais dû être arrêté. Il n'aurait pas dû non plus être poursuivi et, pire encore, condamné pour avoir simplement exercé son droit à la liberté d'expression et mené à bien son travail de chercheur, d'universitaire, d'auteur et d'activiste non violent. Les autorités maliennes doivent respecter leurs obligations régionales et internationales en matière de droits humains et libérer Sissoko de toute urgence pour qu'il retrouve sa famille, sa profession et sa liberté de citoyen.
Enfin, nous demandons instamment aux autorités maliennes de renoncer à ce que nous considérons comme une tendance à l'instrumentalisation du système judiciaire du pays contre ceux qui critiquent les politiques et les pratiques de l'État et du gouvernement. Nous appelons les autorités à renoncer à ces approches et à prendre des mesures législatives et administratives urgentes pour abroger toutes les lois qui couvrent la suppression de la liberté d'expression sous le couvert de l'État de droit et de l'administration de la justice.
Nous attendons avec intérêt votre considération positive et votre action sur le cas du Professeur Étienne Fakaba Sissoko et la bonne nouvelle de sa liberté sans condition.
Signé ce 18ème jour de décembre 2024 par:
1. PEN Afrikaans - Bernard Odendaal, Président
2. PEN Erythrée en exil - Awet Fissehaye, Directeur Exécutif
3. PEN Gambie - Musa Sheriff, Président
4. PEN Guinée Bissau - Abdulai Sila, Président
5. PEN Malawi - Alfred Msadala, Président
6. PEN Mauritanie - Kadi Cheikhna, Président
7. PEN Nigeria - Folu Agoi, Président
8. PEN Sierra Leone - Farouk Sesay, Président
9. PEN Afrique du Sud - Bongani Kona, Président
10. PEN Ouganda - Beatrice Lamwaka, Présidente
11. PEN Zimbabwe - Elisha July, Président